Vanessa Paradis et Serge Gainsbourg : une collaboration en forme de passage de témoin

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Elle aura été sa dernière muse, lui qui sut si bien écrire pour les femmes au cours de sa vie. Il lui a offert son dernier testament musical. Retour sur une rencontre mythique.

L'éclosion express d'une superstar

Alors que les années 90 approchent, Vanessa Paradis est en train de devenir la nouvelle coqueluche des Français. Dans la foulée du triomphe de "Joe le Taxi", l'adolescente connaît un premier succès dans les bacs avec son premier album "M et J", qui atteint quasiment les 400 000 exemplaires vendus. Le plébiscite est tel que la jeune fille doit décider à l'époque d'arrêter ses études pour se concentrer pleinement sur sa carrière. Elle se sait évidemment très attendue et décide de mettre les bouchées doubles pour créer le digne successeur de "M et J". Dans les premiers mois, l'album change plusieurs fois de têtes pensantes : le duo formé par Étienne Roda-Gil aux paroles et Franck Langolff à la musique devait à l'origine reprendre du service après "M et J", mais le premier fut contraint de jeter l'éponge à cause du décès de son épouse. Vanessa Paradis se tourne alors vers des noms confirmés comme Renaud et Alain Souchon, qui commencent à lui écrire quelques textes. Mais une rencontre particulière va précipiter les événements.

"Gainsbarre" et sa dernière muse, une relation compliquée

Vanessa Paradis fait en effet la connaissance de Serge Gainsbourg, qui s'entiche d'elle artistiquement. Il l'a décidé : la jeune femme deviendra sa nouvelle muse après Brigitte Bardot, Jane Birkin, Dani ou encore Bambou. Le chanteur impose cependant une condition : il souhaite écrire l'intégralité des paroles de l'album, Franck Langolff restant aux manettes de la composition. Vanessa Paradis accepte sans sourciller, mettant au placard les textes de Renaud et Souchon. La collaboration entre les deux artistes donnera donc le deuxième album de Paradis, "Variations sur le même t'aime". Leur relation, cependant, s'avère parfois un peu compliquée : Gainsbourg, encore habité par les démons de "Gainsbarre", ne parvient pas à terminer ses textes. S'il signe les premières ébauches de l'album en seulement cinq jours, il ne cesse de les retravailler jusqu'au moment de l'enregistrement. La chanteuse, elle, ne se prive pas de recaler certains textes et de lui demander de retoucher certaines phrases. Cette dynamique de travail conflictuelle donnera lieu à une phrase célèbre prononcée par Gainsbourg en interview quelque temps après la sortie de l'album : "Paradis, c'est l'enfer". Vingt-cinq ans après la sortie de l'album, dans une interview à Vogue, la chanteuse reviendra sur l'enregistrement rapide et compliqué de l'album, indiquant que le chanteur avait exagéré certaines anecdotes et qu'il s'était excusé auprès d'elle quelque temps avant sa mort.

Le dernier héritage de Gainsbourg

Car au-delà d'un passage de témoin entre deux stars de générations différentes, "Variations sur le même t'aime" est le dernier album signé par Gainsbourg avant sa mort le 2 mars 1991. Symbole de leur collaboration, le premier single "Tandem" devient un phénomène (qui se vend à presque 400 000 exemplaires lui aussi), bien aidé par le clip célèbre réalisé par Jean-Baptiste Mondino. Son noir et blanc classieux, qui deviendra un mètre étalon pour de nombreux clippeurs, décroche la Victoire de la Musique du meilleur clip en 1991, quelques semaines avant la mort de Gainsbourg. C'est cependant un autre moment de l'histoire de la cérémonie qui résume le lien qui a uni à jamais les deux stars. Un an plus tôt, la cérémonie couronne Vanessa Paradis Artiste féminine de l'année, premier des trois trophées qu'elle a remportés. Sur scène, la jeune femme craque et se lance dans son discours de remerciement dans un hommage à Gainsbourg, qui a de son côté les larmes aux yeux. Deux artistes, mais aussi deux âmes à fleur de peau.