Une nouvelle Madonna
Il s'est écoulé quatre ans entre la sortie en 1994 du sixième album studio de Madonna, "Bedtime Stories", et celle du septième, "Ray of Light". Ce hiatus ne s'explique pas uniquement par l'aventure du tournage d'"Evita" d'Alan Parker, un projet qui lui tient particulièrement à cœur depuis des années. En effet, la star apprend sur le tournage qu'elle est enceinte d'une petite fille, Lourdes, qui naît en octobre 1996. Les mois qui s'ensuivent sont l'occasion pour la chanteuse d'une période d'introspection personnelle qui la change en profondeur. C'est à cette époque qu'elle découvre la Kabbale, courant religieux du judaïsme dont elle deviendra la tête de proue médiatique. Très intéressée par l'hindouisme et le yoga, elle aspire à plus de calme et de sérénité après les années tumultueuses qui l'ont propulsée au sommet. C'est dans cet état d'esprit nouveau qu'elle se met à écrire les premiers textes de l'album en mai 1997.
Un nouvel entourage pour un nouveau style
Ce besoin de changement en profondeur se retrouve également dans son approche artistique. À l'origine, elle se tourne vers le producteur Babyface, avec lequel elle a déjà signé "Bedtime Stories". Mais cette fois-ci, les divergences de vues sont trop importantes : refusant l'envie de se répéter, Madonna décide finalement de se passer de ses services et de partir dans une autre direction. Celle-ci la conduira vers le musicien Rick Nowels, ancien collaborateur de Céline Dion et Stevie Nicks. Celui-ci lui envoie sept morceaux dont seuls trois finalement se retrouveront sur l'album : "The Power of Good-Bye", "To Have and Not to Hold" et "Little Star". Mais l'orientation des propositions de Nowels ne lui convient toujours pas. La rencontre décisive sera celle avec William Orbit, pointure de la musique électronique anglaise. C'est ensemble qu'ils décideront de l'atmosphère d'ensemble de "Ray of Light", qui délaisse la pop traditionnelle pour des formes plus modernes, comme l'electronica, la dance et même le trip hop.
Un enregistrement éprouvant
Cette réinvention complète fera de l'enregistrement de l'album un marathon de quatre mois et demi, le plus long enregistrement de la carrière de la star. Les instruments électroniques et les ordinateurs ne sont pas au point et tombent régulièrement en panne. Madonna a du mal à poser sa voix sur certains titres, particulièrement sur "Shanti/Ashtangi" où elle s'essaye au sanskrit. Et l'enregistrement est aussi marqué par la mort dramatique de son ami Gianni Versace, assassiné dans son manoir de Miami de 15 juillet 1997, le lendemain de la mise en boîte d'un des titres les plus émouvants de l'album, "Swim". La pochette de "Ray of Light", qui devait initialement s'intituler "Mantra", est d'ailleurs signée de l'iconique photographe Mario Testino, que Madonna avait rencontré sur une campagne publicitaire pour Versace.
Un plébiscite critique et public
À mi-chemin entre tradition et modernité, "Ray of Light" reste encore aujourd'hui un des albums les plus ambitieux de la Madone. Loin du vibrato de ses débuts, la chanteuse y déploie une voix plus complexe que jamais. C'est aussi l'un des plus acclamés par la critique spécialisée, qui l'élève quasiment unanimement au rang de classique de la décennie. Porté par les singles "Frozen" et "Ray of Light" (réalisé par le grand clippeur Jonas Akerlund), il s'écoule à plus de seize millions d'exemplaires et empoche quatre Grammy Awards, dont celui du meilleur album pop de l'année.