Une passion d'adolescent
La jeunesse de Francis Cabrel se déroule dans son village de toujours, Astaffort dans le Lot-et-Garonne, où il grandit entouré de sa sœur Martine et son frère Philippe. La famille Cabrel, d'origine italienne, vit modestement, mais le jeune Francis se découvre très tôt une passion pour la musique, qu'il pratique dans un groupe avec quelques amis du village. Le déclic, cependant, arrivera à l'âge de treize ans, avec la découverte d'un album, et d'un morceau en particulier : "Like a Rolling Stone" de Bob Dylan, sur l'album "Highway 61 Revisited". Au moment de la sortie de l'album "Vise le ciel" en 2012, Cabrel était revenu dans le dossier de presse sur cette révélation : "Je répétais avec un petit groupe dans un garage près d'Agen, quand un mec a amené le 45 tours qui arrivait d'Angleterre direct. Et ce fut la révélation, le coup de tonnerre, la lumière. […] Peu de temps après, j'ai entendu le premier album de Leonard Cohen et tout cela s'est mélangé, mais dans l'attitude, la posture, la démarche, Dylan a toujours été le modèle".
Une passion toujours vivace
C'était décidé, Francis Cabrel projette de devenir lui-même un chanteur country made in France. Il apprend l'anglais grâce aux chansons de Dylan, qu'il reprend sur scène avec ses premiers groupes, avant de se lancer en solo. Son ambition sera cependant contrariée par ses premiers succès : le triomphe de "Je l'aime à mourir" l'étiquette comme chanteur romantique et de variété. Dans le même temps, la musique de Bob Dylan traverse néanmoins l'Atlantique jusqu'à la France, mais sous l'influence d'une autre star de la variété française de l'époque, Hugues Aufray. Peu importe, car, de son côté, Francis Cabrel a depuis multiplié les succès dans les bacs, tout en continuant de rendre hommage à son idole de jeunesse, comme il l'expliquait en 2012 à Paris Match : "Cela fait trente-cinq ans que je chante comme il m’a appris à chanter, même phrasé, même façon de structurer les chansons, mêmes accents toniques, même déhanché des chansons. "Samedi soir sur la Terre", c’est une chanson de lui avec ses trois accords à lui. Je confirme".
Un hommage à sa manière
Francis Cabrel finira tout de même par enregistrer son véritable hommage à Bob Dylan, un album de reprises intitulé "Vise le ciel", qui sort en 2012. Pour cet amoureux de la langue française, pas question de reprendre cependant les chansons qui l'ont marqué dans leur langue d'origine. Il s'attelle donc à réaliser ses propres traductions de classiques comme "All Along the Watchtower", "Just Like a Woman" ou "I Want You", qui deviennent "D'en haut de la tour de guet", "Comme une femme" ou "Je te veux". Pas question non plus de reprendre les traductions de certains morceaux qu'Hugues Aufray avait pu faire. Francis Cabrel va passer quatre à cinq mois sur les textes originaux, pour essayer de retranscrire dans la langue de Molière leur subtilité et la richesse du songwriting de Dylan. Ce fut à l'époque une forme de thérapie pour le chanteur, qui confiait à Paris Match, à la sortie de l'album, l'avoir réalisé dans une période d'impasse créative : "L’idée me titillait depuis une quinzaine d’années. En janvier, j’ai bloqué sur mon album personnel, panne d’inspiration, et j’ai décidé de le mettre entre parenthèses pour me plonger dans le projet Dylan. J’ai commencé par "All Along the Watchtower" : j’ai choisi une chanson difficile en me disant que, si je passais cet obstacle, je devrais pouvoir boucler l’album".